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Mtsapéré : une soirée de terreur

Lundi, le village de Mtsapéré a encore vécu une soirée dont il se serait bien passé. Ses habitants ont vu quelques individus semer la terreur et s’en prendre à tout ce qui croisait leur chemin. Pas vraiment nouveau puisque cela fait des semaines que les week-end sont rythmés par les affrontements et les scènes de violence à répétition. Jusqu’à quand ?

Qui à Mayotte peut encore se targuer de ne pas avoir eu affaire de près ou de loin à la violence des délinquants. Lorsque l’on n’a pas été directement touché, ce sont des proches, des amis, des connaissances qui l’ont été. Les mois passent et la liste des victimes s’allonge. Lundi soir, aux alentours de 19h, ils ont encore été plusieurs à subir le courroux de quelques individus animés par l’envie de semer le chaos.

Des jeunes sans foi ni loi, habités sans doute autant par le sentiment d’impunité que la déraison. Contactée pour en savoir plus sur les faits exacts, la police n’a pas donné suite à notre demande. Un silence pour le bien de l’enquête ou une nouvelle soirée de terreur qu’il est préférable de taire ? Quoi qu’il en soit, ces nouvelles scènes chaotiques ne sont pas passées inaperçues. Des vidéos circulent sur les réseaux. Un témoignage nous est également parvenu. C’est celui d’une habitante du quartier qui a échappé de justesse au pire.

Alors qu’elle rentrait à son domicile après une dure journée de labeur, elle constate une agitation particulière autour de chez elle. Au moment de se garer, des passants lui hurlent de partir au plus vite car des jeunes déchainés, armes à la main, terrorisent le quartier. Dans la panique, elle démarre et s’engage dans la rue en face qui monte à pic. C’est alors qu’elle voit quelques mètres plus haut une bande de jeunes qui sème la pagaille sur la route. Des poubelles sont jetées en travers de la chaussée, avant d’être incendiées. À la vue du véhicule, les voyous se mettent à courir dans sa direction, à toutes enjambées. L’habitante a tout juste le temps de faire un demi tour à la hâte, manquant de justesse d’accidenter plusieurs véhicules.

Une fois la marche avant enclenchée, elle part se réfugier chez un ami qui vit à quelques pâtés de maison de chez elle. Plusieurs personnes se trouvant dans les rues se sont également réfugiées chez des habitants du quartier. L’espace public est laissé libre aux émeutiers. À l’exception de quelques malchanceux qui n’ont pas pu partir à temps.

C’est le cas d’au moins deux personnes qui se trouvaient à l’avant d’un véhicule. Les malfrats sont arrivés à leur hauteur, ont ouvert les portes pour les dépouiller de leurs effets personnels avant de poursuivre leur chasse comme si de rien était. Impunité quand tu nous tiens. La vidéo de l’agression circule sur les réseaux sociaux. On y voit la scène et l’on entend la personne qui filme hurler aux passagers du véhicule de démarrer afin de fuir au plus vite. Sans doute sous le choc, le conducteur met du temps à quitter les lieux. Il faut dire que le mal est fait.

D’autres vidéos des émeutiers circulent sur les réseaux. Des directs Facebook sont également accessibles, notamment après l’arrivée des policiers. C’est devenu un réflexe. Face à l’impuissance à laquelle ils font face, les habitants de l’île sortent leur smartphone pour immortaliser la scène, afin que chacun assiste à ce qui se passe, et se rende compte de la gravité de la situation. Si elles alimentent le climat anxiogène et la colère, ces vidéos constituent bien souvent de précieuses preuves pour la justice.

Elle sont aussi source de lassitude. La lassitude d’une population qui doit réfléchir à chaque fois qu’elle entreprend de quitter son foyer protégé par des barreaux. Jusqu’à quand les mahorais pourront-ils supporter de vivre ainsi ? De craindre pour leur vie, et celle des êtres qui leur sont les plus chers ? Jusqu’à quand des jeunes vont-ils semer la terreur dès que bon leur semble comme dans un vulgaire western spaghetti ?

La réalité a rattrapé les pires fictions. Du sang et des larmes, voilà à quoi ressemble de plus en plus le quotidien.

Que nous réserve la suite ?

Pierre Bellusci
Article paru dans France Mayotte matin du Mercredi 16 juin 2021

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