
Le Conseil constitutionnel valide, sous une réserve, la loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité à Mayotte, et précise les exigences découlant du principe d’indivisibilité de la République
Par la décision de ce jour, le Conseil constitutionnel, qui en était saisi par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs, a déclaré la loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité à Mayotte conforme à la Constitution, en formulant une réserve d’interprétation.
Selon les articles 21-7 et 21-11 du code civil, tout enfant né en France de parents étrangers peut acquérir la nationalité française, soit de plein droit à partir de ses dix-huit ans, soit sur réclamation à partir de treize ou seize ans, à condition d’avoir sa résidence en France et d’y avoir eu sa résidence habituelle pendant une période d’au moins cinq ans depuis, selon le cas, l’âge de huit ou onze ans.
Depuis la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, l’article 2493 du code civil instaure toutefois une condition supplémentaire, spécifique à Mayotte : il conditionne l’acquisition de la nationalité par un enfant né de parents étrangers à la résidence régulière d’un de ses parents en France pendant au moins trois mois à la date de sa naissance.
La loi soumise au Conseil constitutionnel renforce cette condition spécifique à Mayotte : elle exige désormais que, au moment de la naissance, les deux parents de l’enfant résident en France de manière régulière et ininterrompue depuis au moins un an. Elle prévoit néanmoins que l’extension de la condition de résidence aux deux parents ne joue pas lorsque la filiation de l’enfant n’est établie qu’à l’égard d’un seul parent.
En des termes inédits, le Conseil constitutionnel a commencé par affirmer que le principe d’indivisibilité de la République s’oppose à ce que des dispositions fixant les conditions d’acquisition de la nationalité puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire, sous la seule réserve des dispositions particulières prévues par la Constitution, notamment celles applicables à certaines collectivités territoriales. Ces dispositions particulières sont en l’occurrence celles de l’article 73 de la Constitution, qui prévoit que dans les départements et les régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte), les lois et les règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
Le Conseil a ensuite relevé que la population de Mayotte, collectivité départementale relevant de l’article 73 de la Constitution, se distingue par des flux migratoires très importants, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé d’enfants nés de parents étrangers.
Comme il l’avait fait à propos de la loi du 10 septembre 2018, il a estimé que ces circonstances constituent des « caractéristiques et contraintes particulières » permettant d’adapter dans une certaine mesure les règles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France.
Il a ensuite jugé que le renforcement opéré par la loi, qui porte sur les seules règles d’acquisition de la nationalité française par un enfant né à Mayotte de parents étrangers et sans que l’un d’eux ne soit lui-même né en France, maintient inchangés les critères d’âge et de résidence applicables à l’enfant, et réserve, s’agissant de l’extension aux deux parents de la condition de résidence, le cas des enfants dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un parent, ne dépasse pas la mesure des adaptations susceptibles d’être justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières propres à Mayotte.
La loi modifiait en outre l’article 2495 du code civil qui permet aux parents, par une mention sur l’acte de naissance par l’officier de l’état civil ou en marge de cet acte sur ordre du procureur de la République, de constituer, dès la naissance de l’enfant, une preuve de la régularité et de la durée de leur résidence en France. Elle exigeait que le parent qui forme une telle demande présente un titre de séjour accompagné d’un passeport biométrique.
Le Conseil constitutionnel a formulé sur ce point une réserve d’interprétation selon laquelle l’exigence de passeport biométrique ne saurait, sans méconnaître la Constitution, être appliquée aux ressortissants de pays ne délivrant pas de tels passeports. Dans ce cas, les dispositions de la loi doivent être interprétées comme ne faisant pas obstacle à la production par l’intéressé d’un autre document d’identité.