octobre 10, 2024

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La diplomatie française demande la reprise des reconduites aux Comores

07h41 :

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Mercredi dernier, lors d’une audition devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le Ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a demandé à l’Union des Comores d’accueillir ses ressortissants expulsés de Mayotte. Une demande qui fait suite aux propos de la ministre qui lors de sa venue à Mayotte mardi et mercredi dernier, a annoncé que l’accord cadre était conditionné à la reprise des reconduites. À ce titre, le CRA a réouvert afin de permettre de répondre aux exigences sanitaires du gouvernement comorien. De quoi convaincre le pays voisin ?

Le 17 mars dernier, face à la crise sanitaire du Covid-19, les autorités comoriennes ont décidé de fermer leurs frontières. Par conséquent, les reconduites à la frontière ont été suspendues, alors même que le gouvernement comorien niait alors tout cas de coronavirus sur les trois îles. Pour les différents collectifs mahorais, cette décision unilatérale des Comores a mis un point final à l’accord cadre, puisqu’en parallèle chaque jour des kwassa-kwassa tentent de rejoindre Mayotte, ce qui prouve que le gouvernement du pays voisin ne contrôle pas ses frontières comme il s’est engagé à le faire. Le 30 avril dernier, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a de son côté interpellé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour demander une intervention diplomatique sur le sujet. En effet, entre l’arrivée de kwassa et l’impossibilité de reconduire aux frontières, le parlementaire a alerté sur le fait que dans ces conditions, « Le système sanitaire du 101ème département français, déjà très contraint, va vite s’emboliser et s’exploser.»

Mercredi dernier, lors d’une interview dans La Matinale de Kwezi, la ministre des Outre-mer est allée dans le sens des collectifs et du sénateur. Selon elle, l’État a décidé de réouvrir le Centre de Rétention Administrative (CRA) «parce qu’il faut montrer à nos voisins comoriens que nous reprenons la lutte contre l’immigration, qu’à nouveau le CRA va réouvrir, qu’à nouveau nous pouvons garder ces personnes arrivées sur le territoire ou déjà sur le territoire en toute illégalité, jusqu’à 90 jours. J’espère bien que pendant ce temps, la diplomatie qui est à l’oeuvre, permettra aux Comores de nous autoriser à ramener ces personnes aux Co- mores, et c’est normal.» Une normalité que la ministre justifie par les termes de l’accord cadre. « C’est juste dans le partenariat que nous proposons aux Comores » affirmait mercredi avant d’ajouter : « Et dans le cas contraire, je le redis aussi, même si je suis pas seule et qu’il y a un ministre des Affaires étrangères, le ministère des Outre-mer compte, sa parole compte, et je m’opposerai aux crédits de développement si les Comores n’acceptent pas la reconduite de leurs ressortissants à leurs frontières. »

Le ton était donné, mais le quai d’Orsay restait encore bien muet sur le sujet. Quelques heures après l’intervention de la ministre sur Kwezi, Jean-Yves Le Drian a finalement évoqué le sujet au palais Bourbon. «Les autorités comoriennes qui s’estiment moins touchées par la pandémie, ce qui est vrai, que Mayotte ont demandé d’avoir un mécanisme sanitaire de précaution», a d’abord rappelé le ministre. «Il est maintenant en place, donc je pense que nous allons pouvoir aboutir à une reprise des admissions avec les garanties sanitaires nécessaires», a-t-il ajouté. «Nous avons multiplié les actions auprès des autorités comoriennes pour la reprise des réadmissions depuis que cela est possible», a encore souligné Jean-Yves Le Drian avant de conclure : «J’ai moi-même téléphoné à mon collègue comorien pour lui demander d’œuvrer vigoureusement contre les départs de migrants vers Mayotte et de reprendre les réadmissions. Je pense que nous allons pouvoir aboutir à une reprise des admissions avec les garanties sanitaires nécessaires.»
Ces garanties résident donc dans le fait que le CRA est devenu un centre de quarantaine. À l’issue des 14 jours et après plusieurs tests, les personnes en rétention n’étant pas positives au Covid 19, doivent en théorie pouvoir regagner leur pays.

Sauf que voilà, pour l’heure le gouvernement comorien n’a pas réagi. Il faut dire que l’Union des Comores est en proie à d’importants troubles. D’abord, le pays enregistre 87 cas confirmés de Covid 19 selon les chiffres officiels. Dans les faits, les malades seraient beaucoup plus nombreux ce qui met fortement à mal un système de santé parmi les plus précaires au monde. Par ailleurs, ces derniers jours, l’État a ordonné une série d’arrestations d’individus qualifiés de terroristes. 19 personnes ont été interpellées pour atteintes à la sureté de l’État. Selon le procureur de la République des Comores, il s’agit d’individus membres de la « diaspora en France, de comoriens vivant à Madagascar, Mayotte ou en Grande Comore ». Ils sont accusés de préparer un coup d’État quelques jours après qu’un attentat a été déjoué sur l’avion transportant le président Azali Assoumani entre Anjouan et Ngazidja.
Des mines et des détonateurs auraient été retrouvées chez les individus arrêtés. L’opposition de son côté évoque un coup monté par le gouvernement afin de légitimer des arrestations de détracteurs. En clair, les tensions politiques sont toujours aussi vives. Si l’on y ajoute la fermeture controversée des mosquées, les militaires qui interpellent ceux qui ne respectent pas les restrictions de liberté telles que le couvre-feu quotidien fixé à 20h, le pays voisin a d’autres préoccupations que le retour de ressortissants considérés comme chez eux à Mayotte. Quant à savoir si les 150 millions d’euros de l’accord cadre seront un moyen de pression suffisant, pour l’heure la réponse apparaît comme un non catégorique. Les regards sont donc désormais tournés vers la diplomatie française qui va devoir obtenir des résultats si elle souhaite rester crédible.

Pierre Bellusci
Pour France Mayotte matin

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