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Interview de Mourchidi Imamou, jeune talent qui ne veut voir que Mayotte en peinture

L’artiste de 27 ans couche les paysages de l’île au lagon, qui n’ont jamais cessé d’occuper ses pensées, sur ses toiles, et prône les idées de la jeunesse mahoraise pour changer les choses. Entretien avec l’un des peintres les plus talentueux – et ambitieux – de Mayotte.

France Mayotte Matin : Vous étiez récemment invité à la remise des titres d’artisan d’art de la Chambre des métiers et de l’artisanat, où vous avez eu l’occasion de peindre une toile et de faire un discours. Que représente cette invitation pour vous ?

Mourchidi Imamou : C’est un honneur, un espoir, puisque je vois de grandes choses après cela. C’est une valorisation de mon travail, qui me donne du courage dans ce que je fais, dans le message que je veux porter. J’ai été invité en tant qu’artiste-peintre, alors que les six récompensés sont des artisans d’art. C’est une preuve du soutien de la CMA, et j’espère qu’elle me soutiendra encore.

L’espoir au bout du pinceau…

F.M.M. : Comment êtes-vous arrivé dans le monde de l’art, et de la peinture en particulier ?

M.I. : Je suis autodidacte. Tout ce que je sais, c’est en pratiquant encore et encore que je l’ai appris. J’ai toujours été passionné par les paysages mahorais. Petit, ma mère m’avait acheté un appareil photo jetable pour les photographier. Mon but a toujours été de les immortaliser pour les partager. Au collège, je me suis mis au dessin, mais je me suis lassé. C’est à partir du lycée que je me suis mis à la peinture, que j’ai pris goût à l’art et que je me suis trouvé.

« Notre génération peut reprendre les choses en main »

Mourchidi Imamou

Puis j’ai passé quelques années en métropole, et je me suis surpris à être très nostalgique de Mayotte, à rechercher des paysages mahorais d’endroits que je ne connaissais pas sur Google. J’y ai vu toutes les informations dramatiques dont on parlait, comme actuellement d’ailleurs. Ça m’a fait tellement de mal et agacé d’entendre tout cela, que ma motivation a été de montrer que Mayotte, ce n’est pas que ça. Beaucoup se déplacent de loin pour admirer le plus beau lagon du monde. Il faut que la population mahoraise garde espoir. N’abandonnons pas notre île, défendons-la.

… Mayotte au fond du coeur

F.M.M. : Vous prônez donc le retour des jeunes Mahorais.es qui vont faire leurs études en métropole ou à l’étranger ?

M.I. : Si ce que l’on veut faire peut être fait à Mayotte, revenons sur l’île et valorisons-la. Notre génération peut reprendre les choses en main. Les anciens sont fatigués, nous avons des idées modernes et portons l’innovation. D’autres peuvent changer les choses, mais seuls les Mahorais, et leur culture, peuvent apporter à l’île. Faisons-le nous, avant d’espérer un coup de main.

F.M.M. : Pour revenir à l’art, vous prenez toujours des photos des paysages mahorais pour les peindre ensuite. Pourquoi ce processus ?

M.I. : La photographie fige ce que je vois. Il m’est compliqué de peindre en restant au même endroit pendant longtemps. J’ai fait le test récemment, sur l’îlot de sable blanc. Mais le paysage ne cessait de changer, de devenir de plus en plus beau, et je devais faire des retouches sans cesse. Donc je préfère prendre une photo, puis de peindre tout ce que je vois, ou les couleurs que je choisis de montrer. Je veux faire accepter au peuple mahorais que l’art est une culture à part entière. Le combat sera long, mais je sais que je ne serai pas seul à le mener.

F.M.M. : Maintenant, comment abordez-vous votre futur proche, et que voudriez-vous faire ou devenir dans un avenir moins proche ?

M.I. : Tout est planifié sur un bout de papier, mais rien n’est concret, donc je n’annonce rien. Ce qui est sûr, c’est que je voudrais ouvrir une structure pour aider les jeunes qui ne pensent pas pouvoir faire autre chose que de traîner dans la rue et céder à la délinquance. J’ai grandi avec un groupe d’amis qui aimaient le dessin, avaient des projets, mais qui font aujourd’hui quelque chose qui ne leur plaît pas. Mais j’ai montré qu’on peut faire de l’art un métier, même en étant autodidacte. Je veux donner la possibilité aux jeunes de s’en sortir, de peindre, de vendre leurs oeuvres. Même à un prix très bas, ça valorisera leur travail. Même en partant quasiment de rien, c’est possible.

Propos recueillis par Axel Nodinot, pour l’édition du mercredi 5 mai 2021 de France Mayotte Matin.

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