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L’intersyndicale et le collectif écrivent à la ministre des Outre-mer

10h45:

grève générale

L’intersyndicale et le collectif ne lâchent pas prise. Alors que la ministre des outre-mer, Annick Girardin, est attendue à Mayotte le 14 mai prochain pour présenter le document stratégique à la population, les leaders de la grève ont décidé de lui écrire afin notamment de rappeler les engagements qui ont été pris le 17 mars 2018. Le contenu de la lettre est disponible ci-dessous:

« Madame la Ministre,

Le 13 mars 2018, vous avez bien voulu recevoir une délégation du Collectif et de l’Intersyndicale à une réunion à laquelle vous aviez invité les élus de Mayotte. Vous aviez introduit cette réunion en déclarant que les discussions devaient être « sans tabous » et que tout devait « être mis sur la table ». Il nous semble que selon vos vœux, cette réunion a tenu toutes ses promesses. Pour rappel, nos échanges ont porté sur le déroulé suivant :

1. Les urgences à traiter

Il a été convenu que dans l’urgence, les trajets, les abords et les enceintes scolaires seraient sécurisés. Et qu’entretemps, une opération de démantèlement des bandes qui pourrissent la vie de la société mahoraise allait être lancée avec des résultats attendus au bout d’un mois. Ensuite, des dispositions allaient être prises pour réaliser tout ce qui a été prévu dans le Plan Mayotte Sécurité pour tous, connu sous le nom de « Plan Cazeneuve ».

2. La nécessité de créer les conditions du développement

Une longue discussion s’en est suivie sur le fait que l’administration d’Etat à Mayotte, non seulement souvent n’a pas été à la hauteur des enjeux du développement, mais que des fonctionnaires passaient leur temps à bloquer les projets, notamment d’aménagement du territoire et d’aménagement urbain.

Pire, nous vous avons relaté de nombreux exemples de collusion de l’Etat avec des intérêts privés des groupes du BTP qui agissent en véritables machines à privatiser l’argent public, et des groupes de la grande distribution dont les profits s’apparentent à un impôt féodal prélevé dans les poches d’une population démunie.

De tout temps, les Mahorais se sont plaints de la façon dont le monopole d’Air Austral est conforté à Mayotte par la DGAC. Ils se plaignent aussi de la façon dont le port de Longoni a été abandonné aux mains d’une structure privée dont les intérêts priment sur le service public censé être au cœur d’une convention de DSP mal ficelée qui ouvre la voie à tous les abus. Ces deux faits révèlent à tout le moins la mise à l’écart de Mayotte dans la stratégie de la France de faire des ports et des aéroports principaux des éléments clés du développement des territoires.

Nous avons démontré que si l’insécurité constitue un frein sérieux au développement de Mayotte, cette collusion entre l’Etat et les grands groupes d’un côté et, de l’autre côté, la corruption ambiante sur des marchés importants pour le développement de l’île, ont pour conséquences, entre autres, de favoriser des ouvrages de très mauvaise qualité à des coûts excessifs et par conséquent d’enfoncer Mayotte dans son sous-développement chronique. Ce système, qui perdure depuis toujours, ne peut être arrêté que si l’Etat décide résolument :

  • de revoir toute l’administration locale d’Etat pour ne mettre à la préfecture et à la tête des services déconcentrés que des personnes honnêtes, compétentes et expérimentées, en évitant de placer systématiquement des fonctionnaires venus faire leurs preuves de début de carrière, des personnes dont les autres Collectivités ne veulent plus ou des personnes ayant « fait l’Afrique ».
  • de revoir en profondeur l’organisation de l’institution judiciaire en laquelle les Mahorais n’ont plus aucune confiance, car elle donne une forte impression de laxisme vis-à-vis de la délinquance juvénile et des agressions, et l’impression de fermer les yeux sur la corruption et les fraudes diverses pourtant maintes fois dénoncées par la presse et par les magistrats eux- mêmes.

3. La mise en place d’une méthode de monitoring

Lors de cette réunion, nous avons aussi insisté sur la mise en place des méthodes modernes utilisées pour s’assurer qu’un projet soit réellement mené jusqu’au bout de sa réalisation avec une qualité, des coûts et un délai dignes de ce 21ème siècle. Nous avons proposé que cette méthode commence par passer en revue tous les projets identifiés et non réalisés, pour ensuite aboutir à un plan avec un ensemble de projets dont on s’assurera de la réalisation effective à partir de maintenant, notamment l’aéroport, le port et la voie express de contournement de Mamoudzou.

4. L’élaboration d’un plan de développement

Enfin, tout le travail engagé entre l’Etat, les élus et les forces vives de Mayotte devait aboutir à un document en rupture avec tout ce qui a été réalisé jusqu’ici et qui n’a donné aucun résultat (Etats Généraux, Conférence économique et sociale, Mayotte 2025, Assises des outre-mer, etc.).

Au sortir de notre réunion du 13 mars 2018, nous avons adopté 15 points qui ont fait l’objet d’une très large communication à la fois de notre part, de la presse et des médias et surtout de votre part, à l’Assemblée nationale, en vidéo et en interviews.

Or, le document communiqué ne relate que 14 points, le 15ème ayant subitement disparu. En passant en revue le document, nous nous sommes rendu compte que le point manquant est précisément celui qui constitue à nos yeux la condition clé d’un développement durable, inclusif et harmonieux : la fin du système qui fait que l’argent destiné au développement de Mayotte et au bien-être de sa population ne soit pas utilisé de façon optimale à ces nobles objectifs.

Ainsi, tous les discours qui vantent un PIB/tête n fois plus élevé que celui de nos voisins et une croissance économique parfois plus élevée que celle des pays émergents les plus avancés ne résiste pas à la réalité d’une population à 84% au-dessous du seuil de pauvreté et d’un territoire dans lequel manquent les infrastructures les plus basiques dont sont souvent dotés les pays les plus pauvres au monde.

Par le présent courrier, nous vous exprimons notre inquiétude née de la disparition de ce point majeur de notre discussion et vous demandons de bien vouloir le réintroduire dans le document selon la proposition de formulation suivante, dont la première partie est proches de vos propres déclarations :

« L’Etat s’engage à revoir l’organisation des services de l’Etat pour s’assurer que les compétences, l’ingénierie et l’expérience mises en place seront à la hauteur des enjeux du développement de Mayotte. De la même façon, l’Etat s’engage à veiller à ce que l’institution judiciaire soit réorganisée de sorte à éradiquer toutes les formes de corruption susceptibles de détourner l’argent public vers un objectif autre que le développement de Mayotte et le bien-être de sa population. » Comptant sur votre engagement aux côtés de notre Département, nous prions, Madame la Ministre, de croire en l’assurance de nos sentiments les meilleurs. »

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